LA MAISON SUR LA COLLINE

À l’aube, le ciel au-dessus des Strathbogie Ranges se colore de teintes d’une incroyable beauté. Et au crépuscule, le soleil disparaît de façon tout aussi spectaculaire derrière les collines de ce paysage aride d’Australie. C’est notamment pour profiter de ce tableau qu’Eddie et Dorothy Spain ont construit une villa panoramique.

La maison sur la colline. Photo © Armelle Habib / Living Inside

Jadis, les Strathbogie Ranges furent le terrain de jeu de Ned Kelly, le plus célèbre des hors-la-loi australiens. Mais depuis les années 1960, cette région de l’État fédéral de Victoria se distingue plutôt par ses excellents vins. Le climat d’altitude se prête tout particulièrement bien à la culture du Chardonnay et du Riesling. Ce territoire aride, parsemé de blocs de granit, est faiblement peuplé. Hormis la localité de Strathbogie, aucune ne mérite le détour et Melbourne se trouve à quelque 150 kilomètres de là. Eddie et Dorothy Spain ont bâti leur maison dans ce paysage désolé. Du haut de son promontoire, elle offre une vue à 360 degrés. Ses occupants ont ainsi tout loisir d’admirer l’infinité de nuances orangées dont le ciel se pare matin et soir.

Le chantier a duré six ans, un défi que les propriétaires ont relevé avec courage et détermination. Aujourd’hui, Eddie et Dorothy Spain dégustent un verre de vin local assis au bord de leur piscine à débordement de sept mètres de long. Et se disent que le jeu en a valu la chandelle.

La piscine à débordement. Photo @ Armelle Habib / Living Inside

La piscine à débordement de 7,5 mètres est habillée de granit local. L’aménagement paysager est signé Phillip Johnson Landscapes.

«NOTRE ARCHITECTE D’INTERIEUR A IMAGINÉ UNE MULTITUDE DE FINITIONS ET DE MEUBLES QUI, MALGRÉ LES MURS BLANCS ET LES SOLS EN BÉTON,  DONNENT LE SENTIMENT D’ÊTRE DANS UN COCON.» Dorothy Spain

Réparti sur deux étages selon un plan en H, le bâtiment s’étend sur 700 mètres carrés. Une idée des maîtres d’ouvrage, concrétisée par l’architecte Robert Harwood. Du granit indigène habille le sol de la base qui, en retrait, sert de socle aux cubes de béton recouverts d’acier Corten. On accède aux principaux espaces de vie de la résidence par un escalier monumental, également en béton, mais zingué.
C’est seulement une fois à l’intérieur de la maison que l’on se rend compte de son volume. « La phase de conception touchait à sa fin et les propriétaires craignaient que l’ensemble paraisse trop moderne et aseptisé. Ils vivaient alors dans un bâtiment historique datant de l’époque victorienne et voulaient que leur nouveau logis soit tout aussi intime et convivial », résume Jessica Bettenay, l’architecte d’intérieur mandatée par le couple. Dorothy confirme : « J’avais peur de ne pas retrouver cet aspect chaleureux dans une construction en béton. Nous avons donc pris le temps de tout analyser jusque dans les moindres détails, avant les premiers coups de pioche. » La décoratrice basée à Melbourne a créé une palette de tendances et proposé une foule d’idées. Ses astucieux mélanges de couleurs et de matières ont convaincu la propriétaire : « Elle a suggéré une multitude de finitions et de meubles qui, malgré les murs blancs et les sols en béton, donnent le sentiment d’être dans un cocon », précise-elle.

La maison en forme de H pour profiter d'une vue à 360°. Photo © Armelle Habib / Living Inside

Robert Harwood a conçu cette étonnante maison pour profiter de la vue à 360 degrés. La base de la structure en béton est habillée de granit de la région et de panneaux en acier Corten qui s’oxydent avec le temps.

LE PAYSAGE COMME INSPIRATION

Le cahier des charges de Jessica Bettenay incluait également certains éléments extérieurs comme les couleurs du plâtre ou l’éclairage et les matériaux de l’entrée. « Passer plus de quatre ans sur un projet, c’est un luxe rare. Cela nous a laissé tout loisir de tester des finitions et matériaux, et même de personnaliser de petits objets », souligne-t-elle.
À l’intérieur, une galerie relie les espaces. Côté ouest, ce couloir mène à une cuisine ouverte ainsi qu’à la salle à manger, au salon et à la chambre à coucher. L’aile orientale est réservée aux visiteurs ; elle comprend trois chambres et un salon. À l’extrémité de chaque aile, une fenêtre courant du sol au plafond donne sur le paysage volcanique et sauvage. « C’est lui qui m’a inspirée », glisse la décoratrice. «En observant la nature, j’ai eu envie de mélanger les textures — du carrelage, de la pierre, des métaux et des tapis en laine. » Elle s’est également inspirée des saisons, qui forment un arrière-plan changeant depuis ce programme ouvert. Dans la région où les étés sont secs, le jaune orangé des herbes et des rochers domine. Les hivers, pour leur part, apportent des couleurs plus riches et plus sombres. Une grande variété de tonalités que Jessica Bettenay a amenées à l’intérieur. Et cela fonctionne : « Les espaces sont en harmonie avec la saison, quelle qu’elle soit », relève Dorothy.

Le généreux séjour constitue le cœur de l’habitation. Une cheminée en béton poli marque la frontière entre la cuisine, la salle à manger et le salon. Pour favoriser le dialogue entre la maison et la nature, on a recouru à une surprenante combinaison de matériaux robustes et raffinés : la table à manger, fabriquée sur mesure, est en bois brut vieilli, tandis que le plan de travail et les façades de la cuisine sont en verre trempé. « La teinte des portes des rangements évolue au long de la journée. D’un bleu vert profond en plein soleil, elle devient rougeâtre plus tard dans la soirée », explique Jessica. « Sa couleur particulière fait de la cuisine un élément essentiel de la pièce à vivre, sans nuire à la vue magnifique sur l’extérieur. »

Le salon aux couleurs chaleureuses. Photo © Armelle Habib / Living Inside

Au salon, fauteuil en velours REDONDO et canapé GENTRY de Patricia Urquiola pour Moroso. Tapis SAHARA, Halcyon Lake. Vase de Kazari sur table basse LOREN de Draga & Aurel pour Baxter. Au mur, photographie de nuages « Sunday five thirty eight » de Trevor Mein.

Salle à manger. Photo © Armelle Habib / Living Inside

Dans la salle à manger, la table signée Resident Avenue a été réalisée par Lost Ark Antiques. Chaises en cuir noir OFFICINA, de Ronan & Erwan Bouroullec, Magis. Jarres à vin en cuir, chez Graham Geddes Antiques.

La suite de 120 mètres carrés du couple est un appartement à part entière. Avec son élégante salle de bain en enfilade, elle dégage l’atmosphère d’un hôtel cinq étoiles. Une impression que viennent renforcer le dressing — également attenant —, un deuxième salon et un bureau. « C’est un endroit très chic ! Il m’arrive de m’allonger sur le lit et de regarder la salle de bain juste pour en apprécier le design », affirme Dorothy. Difficile d’imaginer meilleure récompense pour six ans passés à construire une maison. D’autant que, l’an dernier, elle a été sélectionnée pour la plus récente édition des « Grand Designs Australia ». Cette série, qui présente des habitats de rêve et leurs propriétaires, s’intéresse à celles et ceux qui font profondément évoluer le paysage architectural australien.

La salle de bain parentale. Photo © Armelle Habib / Living Inside

Dans la salle de bains principale, les armoires et miroirs ont été réalisés sur mesure par Resident Avenue Interiors. Appuyé contre le mur, l’autre miroir est signé Mark Tuckey. Serviettes, Bedouin Societe. Tapis de la série MANGA de Patricia Urquiola pour Gan.

Chambre à coucher. Photo © Armelle Habib / Living Inside

Quatre des cinq chambres se trouvent dans l'aile des invités. Les tons rouille et bleu dominent dans la chambre de Nicola, une des filles des propriétaires. Fauteuil TOGO de Michel Ducaroy pour Ligne Roset.

Texte : Heather Nette King, Adaptation: Sylvie Ulmann. Architecture: Robert Harwood, Stylisme: Jessica Bettenay, Photos : Armelle Habib / Living Inside
de : Maisons et Ambiances, numéro 04/21

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